Description de la maladie
La DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age), est caractérisée par une altération plus ou moins rapide de la partie centrale de la rétine (macula), pouvant aboutir à une perte de la vision centrale, c’est à dire la vision précise nécessaire à la lecture, la reconnaissance des visages …
La DMLA est actuellement la première cause de malvoyance sévère dans les pays industrialisés, chez les sujets de plus de 50 ans, elle concerne 1/4 de la population de plus de 75 ans, toutes formes confondues. Elle est devenue un véritable problème de santé publique.
La DMLA est une maladie multifactorielle associant des facteurs de risque environnementaux et des facteurs génétiques prédisposants ou protecteurs.
Les principaux facteurs de risque de la DMLA :
–L’âge par définition : L’âge est le principal facteur de risque de la DMLA. L’incidence, la prévalence et la progression de la DMLA sous toutes ses formes augmentent avec l’âge.
–Tabac : Le risque de DMLA est multiplié par 2 à 3 chez les patients fumeurs. Une corrélation est établie avec le nombre de paquets années.
– Obésité : Multiplie le risque relatif par 2 pour un IMC supérieur à 30.
–HTA, dyslipidémies associées aux risques cardio-vasculaires.
Génétique et DMLA :
Deux gènes de susceptibilité à la DMLA ont été identifiés : CFH et ARMS2
-Gène CFH : gène du facteur H du complément sur le chromosome 1 : La mutation entraîne un remplacement d’une tyrosine par une histidine en position 402 de la protéine. La fréquence de l’allèle dans la population générale est de 0,38 environ. Le risque relatif de DMLA est 2 à 3 chez le porteur hétérozygote et 5-6 chez l’homozygote.
-Gène ARMS2 : Chromosome 10, locus 10q26. Nous ne savons pas actuellement quelle protéine est codée par ce gène. L’association avec la DMLA est liée à une mutation de ce gène. Cette mutation, A69S, est présente dans la population générale à une fréquence de 0,17. Le risque relatif vis à vis de la DMLA est de 2-3 pour les hétérozygotes et 7-8 pour les homozygotes. Cette mutation entraîne un risque accru pour les formes sévères de DMLA et surtout pour les formes néovasculaires.
Ces deux gènes de forte susceptibilité ne sont pas les seuls et la recherche d’un profil génétique à risque n’a pas actuellement d’implication thérapeutique spécifique néanmoins il pourrait y avoir une corrélation entre celui-ci et la réponse aux traitements.
Nutrition et DMLA : (voir chapitre dédié)
Oméga 3 (acides gras polyinsaturés), Luthéine, Zéaxanthine, Antioxydants (vitamines C,E et bétacarotène), Zinc apparaissent comme des facteurs protecteurs.
Formes cliniques de la DMLA et examens complémentaires
-La MLA (maculopathie liée à l’âge) :
Stade débutant de DMLA, caractérisé par l’apparition de dépôts sous la rétine (les drusen) et/ou d’altérations mineures de l’épithélium pigmenté (pigment sous rétinien).
A ce stade : le bilan rétinien peut se limiter à l’examen du fond d’œil +/- rétinophoto couleur.
A noter toutefois qu’un cliché en autofluorescence et une analyse en OCT peuvent apporter des éléments pronostiques.
Drusen
altérations de l’épithélium pigmenté
–La DMLA atrophique (dite « sèche ») :
Evolution lente et fréquemment autour du point de fixation central dans un premier temps avec altération progressive du champ visuel dans les 10° centraux jusqu’à la perte définitive de la vision centrale et donc de l’acuité visuelle. Le champ visuel périphérique est conservé.
Le bilan se limite à l’examen du fond d’œil +/- rétinophoto couleur et surtout cliché en autofluorescence qui donne des éléments d’évolutivité.
Atrophie centrale
–La DMLA exsudative (dite « humide ») :
Tout d’abord il est important de noter que ces formes de DMLA peuvent cohabiter, de façon primaire ou secondaire au cours des processus cicatriciels.
La DMLA exsudative se caractérise par l’apparition de néovaisseaux choroïdiens (NVC) sous rétiniens d’apparence et d’évolution variables.
Classification des néovaisseaux :
- Néovaisseaux de type 1: localisés sous l’épithélium pigmenté.
- Néovaisseaux de type 2: Localisés sous la rétine neuro-sensorielle.
- Néovaisseaux de type 3: Développement intra-rétinien, anastomoses chorio-rétiniennes
Les formes cliniques varient en fonction de la présence d’un décollement de l’épithélium pigmenté (DEP), des hémorragies sous rétiniennes, un décollement séreux rétinien (DSR), des anatomoses chorio-rétiniennes ou un œdème maculaire.
Les premiers symptômes de DMLA exsudative en phase d’évolution sont le plus souvent une baisse de vision rapide, la perception d’une tache centrale (scotome) et/ou une ondulation des lignes à la lecture (métamorphopsies) , ces symptômes doivent faire consulter rapidement un ophtalmologiste.
Le bilan: (voir chapitre consacré aux examens complémentaires)
-Fond d’œil / Rétinophotographie
-OCT B (Tomographie en cohérence optique)
-OCT angiographie (OCT A)
-Angiographie (fluorescéine et indocyanine) réalisés en cas de doute
Drusen, hémorragie sous rétinienne
NV actifs, fibrose et hémorragie sous rétinienne
OCT B : Exsudation avec œdème rétinien kystique, DSR et fibrose
OCT A : Néovaisseaux sous rétiniens de type 1
OCT A : Anastomoses chorio-rétiniennes
Angiofluorographie : NV de type 2 (le colorant diffuse) et fibrose (imprégnation sans diffusion)
Angiofluorographie : NV de type 2 avec fibrose centrale
Angiofluorographie : drusen, néovaisseaux avec hyperfluorescence par diffusion du colorant
Angiofluorographie : Œil droit : vaste lésion néovasculaire, fibro-atrophique au centre, OG : NV de type 1
Forme particulière : Néovaisseaux juxta-papillaires
Diagnostics différentiels :
-Choriorétinite séreuse centrale (CRSC) et Epithéliopathie rétinienne diffuse (ERD) compliquées de néovaisseaux
-Vasculopathie polypoïdale
-Dystrophie pseudo-vitelliforme
Traitement de la DMLA
La forme débutante et DMLA atrophique
Compléments alimentaires (voir chapitre nutrition et DMLA) et autosurveillance.
La DMLA exsudative
Le traitement de la DMLA exsudative consiste actuellement à injecter directement dans l’œil, en intra-vitréen (IVT), un médicament empêchant la croissance des néovaisseaux (anti VEGF), ces injections sont réalisées à intervalle de 4 semaines jusqu’à assèchement des néovaisseaux puis le rythme des injections est adaptée à l’activité des néovaisseaux.
Trois produits sont disponibles :
–Ranibizumab (Lucentis®) : Dose :0,5 mg/injection, premier traitement efficace de la famille des anti-VEGF, AMM obtenue en janvier 2007. Le ranibizumab est un fragment d’Anticorps monoclonal recombinant non sélectif humanisé, dirigé contre le facteur de croissance vasculaire endothélial A (VEGF-A). Il se lie à toutes les iso-formes de VEGF-A et empêche la liaison du VEGF-A à ses récepteurs VEGFR-1 et VEGRF-2. Il bloque ainsi l’activation de ces récepteurs à la surface des cellules endothéliales et l’augmentation de la perméabilité vasculaire.
Les études initiales MARINA et ANCHOR et les études de suivi HORIZON (4 ans) et SEVEN UP (7 ans) montrent une perte de 8,6 lettres ETDRS par rapport au niveau de départ. 25% des patients ont une acuité visuelle de 20/40 ou plus et 37%, une acuité de 20/200 ou moins. Les néovaisseaux peuvent être encore actifs après 7 ans de traitement bien conduit. L’étude HARBOR ne montre d’efficacité supplémentaire d’une dose plus importante (2mg vs 0,5 mg)
–Aflibercept (VEGF-trap, Eylea®) : Protéine constituée des domaines clefs des récepteurs humains VEGFR 1 et 2 associés au fragment Fc humain de l’IgG. Il piège avec une grande affinité, non seulement les diverses iso-formes du VEGF A mais aussi le VEGFB et le PIGF (Placenta Growth Factor). Les études VIEW 1 et VIEW 2 ont montré la non-infériorité de l’aflibercept par rapport au ranibizumab en efficacité et en tolérance. L’AMM européenne a été validée en novembre 2012 pour Eylea.
-A part, le Bevacizumab (Avastin®) est utilisé par certains bien que n’ayant pas d’AMM
Protocole d’injections :
Le but est de maintenir un effet thérapeutique maximum avec effet de stabilité fonctionnelle en réalisant le minimum d’injections.
Le protocole d’injection le plus courant actuellement :
Une phase d’induction par 3 injections à 1 mois d’intervalle puis suivi permettant de définir l’intervalle optimum de traitement pour éviter les récidives. Ce protocole est appelé « treat and extend ». Une majorité de patients nécessitent une injection toutes les 6 à 8 semaines.
En cas d’insuffisance d’effet thérapeutique ou en cas « d’épuisement de l’effet », il est recommandé de changer de molécule. Les notions de patients réfractaires ou de tachyphylaxie apparaissent sans explication précise et probablement multifactorielle.
Cas 1 :
OCT : Néovaisseaux (NV) actifs
OCT après traitement par anti-vegf
Cas 2 :
OCT : NV avant traitement
Après traitement par anti-vegf
Cas 3 :
NV occultes actifs
Fluide persistant après traitement par antivegf
Résorption après changement d’antivegf
Traitements combinés:
Dans certaines formes on peut associer un traitement anti-VEGF et un traitement par photothérapie dynamique (PDT).
Le suivi :
Le suivi est mensuel, au moins au début et éventuellement adapté à l’évolutivité de la maladie. A chaque contrôle, on refait une évaluation de l’acuité visuelle, un examen du fond d’œil (+/- rétinophoto couleur) et OCT/OCT A. L’angiographie n’est refaite qu’en cas de nécessité de reconsidérer le schéma thérapeutique d’une DMLA dont l’évolution n’est pas favorable ou maîtrisée par le traitement.
Les facteurs de mauvais pronostic:
- Fluide intra-rétinien
- Fluide sous rétinien persistant malgré le traitement
- Anastomoses chorio-rétiniennes
Cas 4 :
Kystes dégénératifs
Cas 5 :
Fluide sous rétinien persistant
Cas 6 :
Anastomoses chorio-rétiniennes
Anastomoses chorio-rétiennes, évolution de la lésion malgré traitement par antivegf
Cas 7 :
Déchirure de l’épithélium pigmenté
OCT : Déchirure de l’épithémium pigmenté
La DMLA est une maladie qui ne guérit pas à proprement dit mais que l’on peut maîtriser et stabiliser en fonction de la forme et de la sensibilité au traitement. C’est une maladie qui ne conduit en général pas à la cécité complète. Lorsque la vision centrale est perdue, le champ visuel périphérique reste le plus souvent conservé, permettant aux patients de garder une autonomie pour les gestes de la vie quotidienne.
Résultats selon type de néovaisseaux
Schéma du Dr Thibaut-Mathis (CHU Lyon)
Les complications majeures
- Déchirure de l’épithélium pigmenté
- Hématome sous rétinien, c’est la complication la plus redoutée. Elle est favorisée par la prise d’anticoagulants de la famille des anti-vitamine K (AVK).
En d’hémorragie plane, peu étendue, il est possible d’effectuer une injection de Rtpa (Actilyse) sous rétinienne (après décollement maculaire provoqué) et un déplacement pneumatique par injection intra-vitréenne d’une bulle de gaz. Le diagnostic doit précoce, idéalement inférieur à 72h. On y associe un traitement par anti VEGF.
Cas 8 :
En cas d’hématome plus volumineux, il est possible d’envisager au cas par cas une vitrectomie avec ablation de l’hématome et tamponnement interne par huile de silicone. Cela peut permettre de préserver la vision périphérique. La fonction maculaire est en général perdue avec formation d’une cicatrice atrophique.
En cas d’hématome volumineux, étendu à la périphérie, il n’y a pas d’option thérapeutique envisageable, cette forme redoutable de complication hémorragique conduit à la cécité complète ou quasi complète.
Cas 9 et 10 :
Vaste hématome sous rétiniens
Forme cicatricielle spontanée avec fibrose étendue
Cas 11 :
Hématome par NV juxta-papillaire
Après vitrectomie-ablation de l’hématome et des NV
Cicatrisation sous silicone à 2 mois
Après ablation de l’huile de silicone
Cas 12 et 13 :
Cicatrices atrophiques obtenues après chirurgie d’hématomes maculaires
La DMLA atrophique
Il n’y a à ce jour aucun traitement efficace contre la progression de l’atrophie maculaire. Des espoirs sont permis à long terme concernant la thérapie cellulaire et les greffes de cellules souches.